Les chevaliers aussi victimes de troubles posttraumatiques
A priori, on ne s'y attendait guère. Le chevalier médiéval demeure dans notre imaginaire comme l'un des plus parfaits exemples du « guerrier ultime », courageux et amoureux du combat jusqu'à la limite de la psychopathie. Et pour¬tant... Selon une étude de l'historien Thomas Heeboll-Holm, de l'univer¬sité de Copenhague, il convient d'en finir avec cette croyance faisant des hommes du Moyen Âge un ramas¬sis de brutes épaisses. Après avoir longuement relu, réinterprété et réanalysé les sources — y compris littéraires —, le chercheur danois n'hésite pas à affirmer que les che¬valiers, qui vivaient et combattaient dans des conditions matérielles bien pires que celles des soldats actuels, pouvaient eux aussi souffrir des syndromes aujourd'hui regroupés par les psychiatres militaires sous l'appellation de PTSD pour Post-Traumatic Stress Disorder. En d'autres termes, les chevaliers médiévaux pouvaient souffrir de tous les maux affectant
les soldats du XXe siècle : stress intense, dépression, crises de délire ou de panique incontrôlée, désespoir, peur, sentiment d'impuissance, cauchemars, anxiété, etc., et ce dans les semaines ou les mois suivant l'événement trauma-tique, à savoir le combat. Le Danois s'est notamment appuyé sur la chronique française de
Geoffroy de Charny, qui s'étend longuement sur la triste, sordide et souvent atroce réalité de la vie et de la mort des chevaliers. Ces conclusions sont confirmées par l'historien américain Richard W. Kaeuper, de l'université de Rochester, traducteur de Geoffroy de Charny. Selon Kaeuper, la seule véritable différence d'avec les soldats actuels est que ces derniers, tout au moins en Occident, délaissent un quotidien confortable pour aller remplir leurs missions puis reviennent à un quotidien confortable, ce qui n'était pas le cas au Moyen Age.
Laurent Henninger chargé d’études à l’Irsem, organisateur de colloques sur la guerre à travers les ages.
Guerres & Histoire N°5, février-mars 2012.